Aujourd’hui encore de nouvelles prévisions viennent annoncer la pluie et le beau temps qu’il fera sur le marché de l’e-sport. Cette fois-ci c’est Deloitte, l’un des plus grands cabinets d’expertise au monde qui annonce ses prévisions pour l’année 2016. Un bon signal ?
Selon eux, le marché de la compétition de jeu vidéo représenterait 500 millions de dollars et une audience globale de 150 millions de personnes. Comme le rappelle Thiemo Brautigam du site esportobserver, c’est une nouvelle étude qui marque encore un contraste avec celles déjà existantes. Newzoo estimait que l’e-sport générerait au moins 465 millions de dollars en 2017. De son côté, Superdata, pense qu’en 2015 le marché équivalait à 748 millions de dollars et qu’il dépasserait le milliard de dollars dès l’année 2016.
Est-il vraiment possible de donner des estimations fiables qui décryptent une véritable tendance ? On imagine déjà ces chiffres nourrir tous les discours des « esports-enthusiast ». Pour autant quel crédit pouvons-nous accorder à cette étude ? Car en regardant les sources sur lesquelles Deloitte s’est appuyé pour réaliser ses travaux, on constate que le cabinet s’est servi notamment de plusieurs articles de presse et d’informations publics. Si certaines des sources sont très sérieuses, on voit tout de même ceci :
Que faut-il comprendre ? D’abord c’est que Deloitte ne reprend aucun des chiffres, ni ceux de Newzoo, ni ceux de SuperData. C’est donc que pour le cabinet, ces chiffres ne sont pas des sources fiables et ne semblent correspondre à aucune réalité. Ensuite, sans tenir compte des résultats, la méthode employée – calculer une médiane, laisse songeur et interpelle sur le crédit que nous pouvons accorder à ce rapport. Alors quelle conclusion pouvons-nous tirer ? Le sport électronique continue sa croissance, mais la réalité du marché est bien plus opaque. S’il est possible de dessiner les contours du phénomène, il est vraiment difficile de mettre le doigt sur une tendance chiffrée. Est-ce que les sources pour réaliser ce genre de travaux sont vraiment accessibles ?
Une fois de plus, on voit un organe extérieur tenter de se créer une influence et d’apporter une expertise concernant un milieu dont il ne connaît pas les codes. Comment se servir d’un lobbying bas de gamme ? Est-ce un danger de voir ces sociétés cannibaliser la puissance commerciale d’un secteur en pleine effervescence ? Les acteurs du sport électronique doivent réagir, ce n’est plus une prise de conscience mais un véritable sursaut dont il est question !
Pour poursuivre son développement le sport électronique a besoin d’un véritable recensement et d’outils fiables et indépendants pour mesurer les audiences. Demain l’e-sport devra faire face au pouvoir public. Mais pour convaincre et avoir une marge de négociation, il faut connaitre son propre poids politique. Combien de joueurs ? Combien de spectateurs ? Combien de circuits de compétitions ? Combien d’entreprises ? Combien d’associations ? Combien de bénévoles ? Toutes ces questions, personne ne peut y répondre avec exactitude. Beaucoup d’entreprises ferment la porte concernant le partage de « donnée sensible ». Le monde associatif est divisé, jeune et a encore du mal à s’organiser. Pour gagner en stabilité et en clarté, l’e-sport a besoin de mieux s’implanter localement. Ces groupes ont besoin de s’entendre, de coopérer, et pour cela il faut une volonté commune d’avancer ensemble.