Il existe un tas de questions où les réponses seront toujours difficiles à formuler. Qui apparait le premier ? La poule ou l’œuf ? Le lag ou la déco ? Le cash ou l’audience ? Au vu de l’évolution .sic l’explosion des indicateurs qui concerne le sport électronique, cette dernière question peut faire frémir. Une recette secrète en quelque sorte, voir la pierre philosophale des « marketeux » ! Alors à votre avis, est-ce que c’est l’audience qui augmente le cash prize d’un tournoi, ou bien le cash prize qui attire l’audience ?
Sommaire
Le débat
Certains répondront immédiatement que c’est le cash prize qui draine de l’audience, en citant l’exemple de The International. La particularité de ce tournoi de Dota 2 est qu’il est, à chaque année, le plus lucratif de la saison esport. Pour son édition 2015, les meilleurs joueurs se sont partagé plus de 18 millions de dollars. Si Valve, l’éditeur et organisateur de la compétition, reste frileux dans la communication de ses résultats d’audiences, les quelques chiffres que l’on peut trouver sur la toile indiquent qu’en 2014 plus de 20 millions de personnes ont regardé la compétition reine de Dota. A l’inverse, d’autres s’appuieront sur l’exemple du mode de fonctionnement de League of Legends. Les finales ne permettent aux gagnants de se partager « seulement » 2 millions de dollars et pourtant, en 2014, elle a été regardée par plus de 27 millions de personnes.
Pourtant sans ses 18 millions de dollars qui font tant parler dans les médias, The International aurait-il le même impact ? Sans ses investissements massifs pour sa saison régulière, est ce qu’autant de fans regarderaient les finales de League of Legends ? Faisons-nous bonnes route : est-ce qu’il existe véritablement un lien entre le cash prize et l’audience ? La réponse est évidemment plus complexe. Ne vous inquiétez pas, SmarCast est sur le coup !
Constat
Le phénomène « esport » est bien en marche. Les dotations de tournois ce cessent d’augmenter : $44 405 877 pour l’année en cours. L’audience générale, plus difficile à quantifier, n’est pas en reste. Newzoo, l’agence spécialisée dans les études de marché jeux vidéo parle de 147 millions de spectateurs occasionnels pour l’année 2015. (Pour une année non terminée.)
Les organisateurs, le public et la presse spécialisée ont tendance à attacher une grande importance au cash prize de chaque compétition. Mais pourquoi attacher autant de valeur à des dotations de tournois ? Le sport n’exhibe que très peu ce genre de montant. Savoir combien remportent les gagnants de la NBA ou de la ligue des champions, est-ce si important ? Est-ce que cette information changerait votre perception ou avoir une influence sur votre choix de programmation ? A priori non…
La compétition électronique est encore jeune. En moins de 10 ans, le nombre de tournois est passé de 281 tournois annuels à près de 2 565 compétitions pour l’année 2015 (NDLR : saison encore en cours). Cela fait plus de 7 tournois par jour ! Alors pour une compétition, il est primordial de pouvoir se démarquer de la masse. Le cash prize est une donnée qui permet de se détacher de ses concurrents. De s’assurer la venue des meilleures équipes, et dans le cas de The International, de faire parler de soi dans les médias traditionnels, très friands de gros chiffres et de records. On pourrait dire que le cash prize est une donnée marketing.
La NBA et la Champions League sont les deux championnats majeurs de leurs disciplines. Aucun organisateur ne serait assez fou pour tenter de concurrencer le championnat de basket ou détrôner la compétition organisée par l’UEFA. On pourrait supposer que le cash prize ne devrait pas avoir vraiment d’influence sur l’audience… Et bien pourtant la comparaison est étonnante.
Edifiant– Il existerait près de deux fois plus de joueurs de basket-ball que de joueurs de football. Pourtant la tendance s’inverse quand on s’intéresse à l’audience : 10 fois plus de spectateurs pour la Champions League que la NBA. Est-ce que le football est un sport qui se regarde plus qu’il ne se pratique ? Sans tirer de conclusion hâtive et parce qu’il est très difficile de quantifier un phénomène de cette ampleur, nous avons passé au scope plusieurs événements incontournables de la planète esport. La DreamHack, ESL One, ESWC ou IEM… Nous essayons de nous intéresser au maximum à des compétitions qui proposent plusieurs disciplines et qui possèdent une envergure internationale. Tous sont passés au SmartRayon !
La Dreamhack
La DreamHack Winter a lieu chaque année à Jonkoping en Suède. C’est l’un des plus grands rassemblements de joueur de la planète et un événement national. A chaque édition, ce sont plus de 20 000 gamers qui participent à la fête.
Premier constat : de 2011 à 2013 la DreamHack Winter a revu à la hausse les dotations offertes aux joueurs. En même temps le nombre de spectateurs monte en flèche. Pourtant la quasi-stagnation du cash prize entre 2013 et 2014 n’a pas empêché l’audience de continuer de croitre. Pour les organisateurs, la priorité reste d’attirer les équipes les plus populaires. Certains joueurs possèdent une fanbase réellement importante que les organisateurs doivent impérativement apprendre à séduire. Pour Tomas Lyckedal, Head of esport de la DreamHack, c’est quelque chose de très important :
« Je pense que le cash prize est un facteur très important. Pourtant nous ne voyons pas de connexion claire sur le fait qu’un plus grand cash prize augmenterait l’audience. Cela peut être le cas, de temps en temps. Mais cela peut être aussi dû à d’autres facteurs. Si vous faites venir les bons joueurs en prenant en charge leur frais de voyages, vous pouvez quand même espérer avoir une bonne audience. »
Tomas Lyckedal Head of Esport, DreamHack
Evolution Championship
L’Evolution Championship, le plus grand tournoi de jeu de combat, était jusqu’en 2013 en dessous en terme de dotation par rapport aux autres compétitions du même standing. Des efforts ont été fait, passant le cash prize de $62 000 à plus de $303 500. On constate que depuis, l’audience a plus que doublé.
ESL One Cologne
Pourtant lorsque le cash prize reste le même d’une année à l’autre, l’audience peut varier. La DreamHack nous l’a montré. L’ESL One de Cologne est un autre de ces exemples. Depuis la fin des ESL Major Series et le passage au format de tournoi majeur « ESL One » avec $250 000 de cash prize, la compétition s’est complétement métamorphosée. Les organisateurs ont décidé de quitter les studios de l’ESL, puis l’Exhibition Center de Cologne pour finalement s’installer au palais omnisport : la Lanxess Arena. Un énorme succès au niveau de l’audience avec plus de 27 millions de spectateurs uniques sur l’événement ! Un véritable record.
League of Legends – World Championship
En ce qui concerne League of Legends, son cas est particulier. Avec près de 70 millions de joueurs, c’est l’un des jeux, les plus joués au monde. Si les investissements massifs effectués entre 2011 et 2012 ont permis au championnat de League of Legends de franchir un cap, la tendance n’est pas la même pour la compétition de Riot. On voit que le cash prize reste sensiblement le même depuis 3 ans et cela n’a pas empêché l’audience de fluctuer de manière importante. Alors quelle influence sur le cash prize ?
Smite – Le cas d’école
Smite est un jeu de type MOBA, qui dans notre étude est un cas très intéressant. Edité par Hi-Rez Studios, le jeu est sorti en mars 2014. Cherchant à s’imposer dans un milieu, déjà très saturé, Smite souhaite concourir dans la même catégorie que Dota & League of Legends. Un défi de taille ! Alors que le jeu est encore en beta, Hi-Rez Studios organise un championnat du monde avec plus d’un million de dollars de Cash Prize. Comme pour The International et Dota 2, les fans pouvaient acheter un pack de «skin et goodies ingame » et renforcer le cash prize du tournoi. L’opération baptisée The Odissey est un succès puisque la communauté a contribué à hauteur de $400 000.
L’année suivante, en janvier 2015, les Smite Worlds Championship proposent aux gagnants plus de $2 612 610 de cash prize. Hi-Rez Studios annoncent que 2 323 780 de spectateurs suivent les play-offs dans plus de 25 pays. Le site d’information Gaming Nexus fait déjà le rapprochement : « nearly one viewer for every dollar at stake for the players » // « Près d’un spectateur pour chaque dollars injectés » Attention toutefois à ne pas faire de raccourci. Smite recense plus de 10 millions de joueurs. L’éditeur déploie beaucoup d’efforts pour organiser un circuit compétitif sur une saison entière ainsi que le show pour ses finales.
Les autres facteurs
Evidemment, d’autres facteurs influent sur le nombre de spectateurs. Le sport électronique est un divertissement et beaucoup de paramètres entrent en compte. A commencer par la qualité du spectacle et le lieu qui héberge la compétition. Exploiter une belle salle de spectacle ou carrément un stade peut permettre à un tournoi de rentrer dans une nouvelle dimension. La multiplication des canaux de diffusion est un plus pour élargir son audience. Des schémas classiques existent, comme les plateformes de streaming ainsi que la diffusion à la télévision. D’autres sont plus innovants. Plusieurs éditeurs (Riot, Valve, Hi-Rez etc…) ont inclus dans les menus de leurs jeux, un onglet TV qui permet de se connecter directement aux flux des grandes compétitions.
Une innovation qui permet de booster l’audience. Sur les derniers tournois majeurs de Counter Strike, le nombre de spectateurs qui utilisent la plateforme du jeu dépasse régulièrement le million. L’avantage est de diriger directement les joueurs vers sa propre compétition… Agenda, rareté, campagne marketing bien d’autres coefficients viennent complexifier l’équation pour les organisateurs, mais il serait impossible de tous les lister ici.
L’heure du dénouement approche. Il est l’heure de statuer, et voici la réponse du SmartCast : Le cash prize est donc bien un facteur qui permet d’augmenter l’audience d’un tournoi. C’est un outil marketing qui, jusqu’à un certain niveau – au minimum $250 000 actuellement (NDLR : ce chiffre augmentera avec le temps) – permet d’attirer les meilleurs joueurs et donc de captiver la communauté. Une dotation très importante peut agir comme un levier et permettre de débloquer son compteur. Dans l’exemple de The International, comptabiliser plus de spectateurs que de joueurs de dota 2. A contrario, une stagnation ou une diminution du cash prize n’entraine pas forcement une perte de l’audience. Voilà maintenant vous savez tout.