Un débat a enflammé la toile ces dernières semaines. Plusieurs propriétaires de club américains militent pour instaurer un système de ligue franchisée sur le modèle des compétitions sportives américaines. Dans le même temps, les grandes écuries réclament une part des bénéfices générés pendant la tenue des grands tournois. Dans cette optique, la Professional Esports Association (PEA) a vu le jour ce jeudi 8 septembre.
Sept des plus grands clubs américains s’associent : Team Solomid (TSM), Cloud9, Team Liquid, Counter Logic Gaming (CLG), Immortals, NRG Esports et CompLexity Gaming. Dans son communiqué, la PEA annonce son ambition : « devenir la NBA du sport électronique ». Pour ce faire, l’association détaille son plan d’action : « créer une organisation dédiée à l’esport professionnel, se focalisant sur l’objectif de générer des revenus inédits pour les joueurs pro ». Pour y parvenir, la PEA souhaite organiser un grand championnat professionnel de Counter Strike avec 500 000 dollars de dotation pour sa première saison. Les joueurs et les propriétaires de clubs se partageront 50 % des bénéfices réalisés par la ligue. L’association a nommé Jason Katz commissaire de l’association. L’homme possède une bonne expérience dans le milieu. Passé chez Azubu et RiotGames, il était aussi vice-président du Championship Gaming Series (CGS) dès 2007.
Dans l’organisation actuelle du marché, les équipes ont besoin de plus de stabilité et de pouvoir bénéficier d’une diversification de leur revenus. Il est très instable de construire un projet sur la durée lorsque la majorité des revenus provient du sponsoring. Pour faire bouger les lignes, il semble logique qu’un regroupement de la sorte existe.
L’œil de SmartCast : la fausse bonne idée ?
Alors, OUI – les clubs doivent pouvoir obtenir une part des bénéfices de l’organisation d’un tournoi. Les équipes contribuent au succès d’une compétition. Elles consolident une audience grâce à leur fanbase et vont alimenter le spectacle. Malgré tout, La PEA n’agit-elle pas dans la précipitation ?
La saturation d’un espace
La création d’une nouvelle compétition de cette ampleur est toujours un énorme challenge et cette réponse nous semble inadaptée. Pourquoi ? Car cela résonne comme une réponse frontale ! Counter Strike est déjà la discipline avec le plus de compétitions comme nous avons déjà pu le montrer à travers notre dossier. En rentrant dans la mêlée, la PEA risque de contribuer à un flou supplémentaire. Au contraire, les marques souhaitent plus de clarté dans notre système de compétitions. Avec l’ajout d’un nouveau tournoi, c’est l’effet inverse qui risque de se produire. Il faudra plus qu’innover pour pouvoir se positionner contre des acteurs déjà établis et des grandes étapes qui ponctuent le circuit : ELeague, ESL Pro league, ESL One, IEM, Esport Championship Series, StarLadder, DreamHack, PGL… Quel sera l’ingrédient qui permettra à ce championnat de se démarquer ? Quel sera la politique des clubs membres vis-à-vis des autres ligues ?
Un tour de force risqué
Nous respectons énormément le travail des personnes impliquées dans la PEA. Ce sont des propriétaires qui ont une solide connaissance du business et qui ont réussi à monter des clubs performants. Mais on ne s’improvise pas organisateur de compétitions. Aujourd’hui, les organisateurs possèdent une longue expérience. Plus que des arbitres, ils produisent un véritable show, ils racontent des histoires et rendent les matchs épiques à travers des mises en scène pour séduire un public exigeant. Comment acquérir ce savoir-faire ? L’association arrivera-t-elle à se rapprocher avec un organisateur qui devra faire une croix sur plus de 50% des bénéfices ? La négociation s’annonce difficile, surtout lorsque l’on se tourne vers les nombreuses tentatives menées récemment ou par le passé. On a encore du mal à percevoir les effets de la World Esport Association (WESA). L’ABCDE brésilien est toujours en quête de résultats. Lancée l’année dernière, l’Union Esport Team a fait flop. Quels ont été les résultats du G7 il y a plusieurs années ?
À l’heure actuelle, le championnat a été annoncé sans le soutien de partenaires. Dès lors, comment être sûr de la rentabilité d’un tel projet ? Si le marché est en croissance, la multiplication des acteurs jouera des tours à certains. Ce qui permet la réussite d’un écosystème, c’est la complémentarité de ses acteurs. Finalement, l’organisation d’un championnat franchisé est-il le seul moyen de défendre l’intérêt des propriétaires et des joueurs ? L’esport doit-il suivre un modèle déjà établi ou doit-il trouver son propre modèle ?