Le sport électronique est un marché jeune et encore assez opaque. Pour lever le brouillard ambiant, nous avons décidé de réaliser une enquête économique auprès des acteurs français : 14 sociétés avec des activités régulières dans le gaming et le sport électronique ont accepté de répondre à notre questionnaire. Nous sommes allés voir ces entreprises en laissant de côté les éditeurs* et les « streamers indépendants ».
Les chiffres
Chiffre d’affaires, nombre d’emploi, futures embauches, moral du chef d’entreprise, plusieurs paramètres passés au crible pour arriver à ce constat : en 2015, le marché* du sport électronique représente plus de 11 562 000 d’euros en France et connaît une croissance de près de 43%.
Dans notre étude nous avons voulu connaître le nombre de professionnels salariés dans ces entreprises. La France recense au moins 156 personnes salariées. On parle de dirigeants, de managers, de membres du staff, d’organisateurs, de rédacteurs, de graphistes, de développeurs… Bref tous les métiers associés au sport électronique. Concernant les joueurs professionnels, la France en dénombre 122, soit :
- 81 joueurs français salariés dans des clubs français.
- 21 joueurs français sous contrat avec des clubs étrangers.
- 20 joueurs étrangers sous contrat avec des clubs français.
Non répertoriés dans ces chiffres, on compte plusieurs Français qui sont sous contrat avec des organisations e-sports basées à l’étranger. On pense notamment à des commentateurs comme Yoan « ToD » Merlo, Sébastien « AlphaCast » Ferez ou bien des managers comme Florian « Drunkz » Le Bihan sous contrat avec Fnatic ou encore Romain Bigeard, manager chez Unicorn of Love. On compte aussi quelques Français qui travaillent dans des bureaux étrangers de compagnie internationale comme ESL, RedBull, Hitbox ou G2A. Sans pouvoir assurer fermement un chiffre, on estime leur nombre à une vingtaine.
« La France compte près de 300 professionnels évoluant sur le marché du sport électronique. »
L’e-sport, un secteur qui recrute ?
Nous pouvons enfin mettre un terme à ce mythe, chiffre à l’appui,. Et la réponse est oui, le sport électronique est un secteur qui recrute ! Ce sont 11 des 14 entreprises interrogées qui affirment vouloir recruter dans les six mois. Les 3 autres sociétés se projettent plutôt sur une année. Selon les réponses au questionnaire, 53 futures embauches devraient être effectuées dans les six mois. Concernant les perspectives d’investissement, 13 des 14 chefs d’entreprises interrogés imaginent une hausse des investissements pour 2016. Une grande majorité des responsables jugent leur moral comme « bon » et perçoivent leur environnement économique « en développement ».
L’œil de SmartCast : A la lumière de ces indicateurs, il paraît clair que la France connaît une croissance fulgurante et possède de très bonnes perspectives de développement dans le domaine du sport électronique. Pourtant nous sommes encore loin des énormes chiffres annoncés dans les études de marchés connues. Ramenée à un rapport comme celui présenté par le cabinet d’analyse Deloitte (vous vous souvenez ?) qui estimait le marché global à 400 millions de dollars pour l’année 2015, la France ne représenterait que 3,1% du marché international. Cette donnée laisse songeur…
Avec près de 300 professionnels évoluant sur le marché. La France est un pionnier sur le plan historique, et l’un des leaders sur le marché. La France possède des joueurs et des équipes compétitifs dans toutes les disciplines. C’est aussi le seul pays à avoir un réseau de WebTV aussi puissant et les supporters français sont réputés comme les meilleurs du monde. On peut parler d’exception française dans ce domaine. Alors vraiment, est-ce que le marché tricolore s’imagine plus gros qu’il ne l’est ? Ou alors est-ce que ce sont les études marketing qui ont une tendance à gonfler leurs chiffres ? Nous, nous pencherions plutôt pour la deuxième option mais le débat est ouvert !
Explication & contexte
Nous ne sommes pas économistes ni analystes. À chaque étude publiée, nous émettons un regard critique devant les méthodes utilisées ou le manque de transparence. Il nous semble important de pouvoir remettre les résultats que nous avons obtenus dans leur contexte. Des précisions qui vous permettrons de mieux comprendre l’échantillon que nous avons mesuré :
Pourquoi pas les éditeurs ?
Pour notre enquête économique, nous avons fait le choix de ne pas inclure les éditeurs de jeux vidéo. Pourquoi ? Il nous parait insensé d’inclure dans nos petits calculs, toute l’activité d’un mastodonte qui pèse des milliards de dollars comme Blizzard ou Ubisoft. Il est vrai qu’au cours de l’année 2015, plusieurs éditeurs ont décidé de mettre l’accent sur le côté compétitif, allant même jusqu’à créer des divisions dédiées à l’e-sport au sein de l’entreprise. C’est vrai aussi que les bureaux de plusieurs de ces éditeurs se trouvent en France comme ceux d’Ubisoft, de Blizzard, de Wargaming ou ceux de Riot qui seront bientôt inaugurés. Mais faut-il inclure uniquement l’activité du bureau français ? Seulement des activités e-sport en France ? Avec nos seuls moyens, l’équation est très complexe et dans ce milieu hyper concurrentiel, aucune chance que l’entreprise ne communique sur des données considérées sensibles. Voilà pourquoi vous ne trouverez pas d’informations liées aux éditeurs dans cette enquête.
Le cas particulier Millenium
En 2015, la situation de Millenium est très particulière suite au rachat du site par le géant Webedia. Intervenu en plein milieu de l’année, le rachat a chamboulé l’organisation et les rentrées d’argent de la petite société Gameo Consulting. Cédric Pages nous a avoué des difficultés à pouvoir parler de certaines données considérées sensibles. Pour autant, impossible de publier un article sans mentionner le poids lourd du secteur. Après de très nombreuses relances infructueuses, nous avons décidé de reprendre le chiffre d’affaires 2014 pour l’année 2015. C’est une manière d’inclure l’activité de Millenium au cours de l’année 2015 sans faire de spéculation fantaisiste. C’est un parti pris, il est discutable mais nous assumons notre choix.
Si cette première enquête économique reste perfectible nous ne nous décourageons pas ! Nous essaierons de reproduire l’exercice. Notre seul souhait est de pouvoir encore mieux coopérer avec les acteurs professionnels pour pouvoir produire des travaux encore plus éclairants et plus proches de la réalité.