Début octobre, les principaux organisateurs des grandes compétitions internationales ont reçu dans leur boite mail un courrier pas comme les autres. Ecrit par Alexander « Zero_Gravity » Kokhanovsky, CEO de l’équipe Natus Vincere, ce courrier annonce la création d’un syndicat de club, représenté de dix équipes telle que Na’Vi, Team Liquid, Fnatic ou encore EnvyUS. Le syndicat présente ses revendications en prévision de l’année 2016. On retrouve tout un tas de conditions assez exigeantes pour que ces équipes acceptent de se déplacer et de participer à une compétition. Voir le mail en entier.
Principaux points :
- Montant minimum des dotations CS : GO sera de $75 000
- Les organisateurs doivent prendre entièrement à leur charge le déplacement des joueurs et de leur manager.
- Restriction du nombre de matchs joués par jour : 8 manches maximum
- Les organisateurs doivent fournir un reporting média ainsi que les scores audiences aux équipes.
Pouvant être considéré comme une avancée majeure en matière de professionnalisation du monde du sport électronique, cette nouvelle fait débat et a plutôt été très mal accueillie par les fans sur les sites d’actualités. Que réellement en penser ? Revivons-nous le feuilleton du G7 des années 2006 ? Est-ce que les exigences de ce syndicat de club est trop exigeant ? Est-ce un danger pour les organisateurs ? Nous allons essayons de répondre à ces questions en 3 points.
Est-ce une bonne chose ?
Sur le fond, c’est plutôt une bonne chose. Aujourd’hui un club professionnel doit faire face à de nombreuses problématiques. Déjà le nombre d’organisateurs. Dans le mail, 16 sont cités ! Tous sont situés dans des pays différents, avec des méthodes de travails différentes et un fonctionnement qui leur est propre. Sur l’année 2015, de début janvier jusqu’au 7 Octobre 2015 l’équipe CS : GO de Fnatic a fait environ 290 matchs en tournoi officiel. (Source HLTV) Ce qui correspond à plus de 1 match par jour. Sachant que l’équipe doit jongler entre l’entrainement, la préparation et les voyages, sa participation aux compétitions, sans parler de devoir se rendre disponible pour la presse. Cela donne des agendas plus que chargés ! Aujourd’hui, ce sont les confrontations entre les équipes les plus populaires qui drainent de l’audience dans une compétition. Et c’est cette audience que cherche à capter les organisateurs. Si on souhaite que les matchs restent aussi spectaculaires et gardent leur saveurs, se pose sérieusement la question du calendrier. Harmoniser les normes des compétitions et vouloir créer un certain standing semble être une bonne chose.
Est-ce un danger ?
Est-ce que les exigences sont vraiment trop élevées ? Est-ce que l’on ne risque pas de renforcer le plafond de verre entre les équipes semi-professionnelles et les pros ? Il faut bien avouer que prendre entièrement en charge les frais de déplacement de ces 10 équipes amènerait les organisateurs à devoir supporter la somme d’environ $750 000 sur un an (d’après nos propres estimations). Sans compter les dotations de tournois ou la location de salles toujours plus grandes. Est-ce que les clubs ne vont pas trop loin ? Déjà, il faut noter qu’une partie des organisateurs, souvent dans le cas d’invitations ou de qualifications préalables, défraient déjà les équipes. Ensuite, comme nous l’avons déjà mentionné ce sont les joueurs qui font le show dans un tournoi. Ce sont les joueurs qui amènent avec eux leur fan base. Mesure-t-on vraiment le pouvoir d’influence des pro-gamers ? KennyS comptabilise 129 000 abonnés sur twitter, Get_Right c’est 138 000 ! Encore aujourd’hui, « majors » mis de côtés, les clubs ne touchent ni de droits de diffusions, ni de primes de participations. Est-ce qu’il ne semble pas normal que les meilleures équipes soient défrayées ?
Problème de forme ?
Pourtant dans cette affaire, quelque chose cloche ! Une telle nouvelle, la constitution d’une organisation, devait et devrait secouer la petite planète du sport électronique. Pourtant rien. A notre connaissance, aucun organisateur n’a officiellement réagit. Nous avons contacté plusieurs compétitions, sans obtenir aucune réaction… Concernant les clubs, aucune autre équipe que Natus Vincere, par la voix de son CEO, ne s’est positionnée. Nous avons demandé à certaines équipes mentionée comme membre de cet « esport union » de réagir. Nous avons contacté Fnatic, Titan & EnvyUs. Soit nous sommes restés sans réponse, soit les managers sont encore en attente d’une réunion avec leur direction à ce sujet. Etrange… Certains échos font même mentions qu’aucun des clubs n’auraient été contactés par Alexander Kohkanovsky. Actuellement nous ne pouvons que nous interroger sur la crédibilité accordée par les organisateurs et les autres clubs à la démarche d’Alexander Kokhanovsky.
Concernant les $75 000 de cash prize minimum pour un tournoi, est-ce réellement trop élevé ? Encore une fois il faut remettre dans son contexte. Selon le site spécialisé esports-earning, pour l’année 2015, on comptabilise plus de 443 tournois Counter Strike et près de 4 000 000$ de cash prize. Les joueurs ne peuvent pas participer à toutes les compétitions et il faut donc établir certains critères. N’oublions pas que le rôle d’un syndicat est de négocier. Il est normal de partir sur une marge haute pour laisser la négociation se dérouler.
Malheureusement, avec les éléments qui sont posés sur la table, il est encore un peu tôt pour parler d’un syndicat d’équipes professionnelles. Il serait naïf de croire que les équipes et les organisateurs ne se parlent pas ! Au contraire, l’initiative a permis d’engager le débat, et c’est une bonne chose, mais on ne peut que regretter le silence des organisateurs et des autres clubs. Pour éviter que les tractations ne se fassent qu’en privé et que les gros n’écrasent les petits, peut-être qu’une des solutions pourrait s’appeller : transparence.